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UN "MAKERS SPACE" POUR FAIRE RIMER INNOVATION, ARTISANAT ET MADE

IN FRANCE

 

Un espace créatif de 1700 m² doté d'ateliers et de machines, réunissant près de 130 résidents, 30 à 40 savoir-faire différents et une même envie de partager et d'innover ? C'est ce qu'a créé et ce qu'orchestrent Christine & Nicolas Bard.

 

 

CONTRAIREMENT AUX ESPACES DE CO-WORKING QUI ONT PU VOIR LE JOUR ET DANS LESQUELS LES RÉSIDENTS NE PARTAGENT FINALEMENT QUE LE LIEU DE TRAVAIL, ICI MONTREUIL A VOCATION À RASSEMBLER DES "MAKERS", À LES FAIRE TRAVAILLER ENSEMBLE. POURQUOI AVOIR VOULU UN TEL LIEU ?

 

Trois constats ont présidé à la genèse de ce projet. Tout d'abord, il est de plus en plus compliqué de financer un atelier, des machines, des projets dans des domaines qui se prêtent mal au travail à domicile. Ensuite, le réseau est devenu un facteur déterminant et beaucoup de projets nécessitent des multi compétences. Enfin, un raz le bol que les financements aillent tous au digital, à des entrepreneurs qui exploitent des développeurs en Roumanie, à Madagascar, et n'ont que deux ou trois salariés en France.

 

Il manquait un grand lieu  – les espaces de co-working font généralement 300 m² - qui puissent accueillir 200 ou 300 résidents ayant des compétences complémentaires, de la conception à la fabrication, de l'ingénieur au ferronnier, pour pouvoir tout imaginer et tout faire et pour avoir, en étant réunis, un réel impact et donner envie à des entreprises de nous solliciter. Nous avons deux ambitions : recréer de l'artisanat, des métiers, des savoir-faire, et devenir une université de makers, des "entrepreneurs-faiseurs" qui ont des savoir-faire artisanaux.

 

 

L'ARTISANAT, QUI SOUFFRE PLUTÔT D'UNE IMAGE PASSÉISTE, EST UN LEVIER DE DÉVELOPPEMENT ET D'INNOVATION SELON VOUS ? POURQUOI ?

 

Les vrais innovateurs, ce sont les artisans ! Steve Jobs n'a jamais innové : certes, il a eu la vision, mais ce sont ses ingénieurs qui ont inventé, créé, réalisé. Je suis convaincu que le made in France passera par le savoir-faire. Or il y a des gens qui ont des idées mais qui n'ont pas les structures ; il y a des incubateurs sans matériels, sans ateliers. ICI Montreuil est un makers space, un espace de création mutualisé. Tous nos ateliers, toutes nos machines sont collectifs. On peut aller de l'idée au prototypage. C'est aussi un fablab, un espace de recherche et de développement. Nous avons ici ceux qui peuvent conceptualiser (architectes, designers industriels, designers produit, directeur de création, web designer) et ceux qui réalisent, des menuisiers, des ferronniers, des relieurs, des imprimantes 3D. Quand un chef d'entreprise souhaite créer un nouveau produit, soit il est dans une phase de recherche et on crée alors un atelier de travail, soit il a déjà le projet et un cahier des charges et on peut le produire. Dans le même endroit nous avons 30 à 40 savoir-faire. Si un produit nécessite tout à la fois du bois, du papier, du métal, du plastique, nous avons les machines et les experts sur place. Nous avons aussi les compétences en électronique, des ingénieurs, des inventeurs. Et nous sommes contactés par des entreprises qui ont, précisément, des besoins qui supposent des compétences multiples ou qui cherchent à innover.

 

 

QUELLES CONDITIONS UNE STRUCTURE DOIT-ELLE RÉUNIR POUR FAVORISER L'INNOVATION ?

 

J'ai travaillé 17 ans dans la pub. Dans une agence de communication, pour prendre cet exemple que je connais bien, on vend des idées mais tout est fait pour tuer les idées. Je rêvais d'un endroit où les idées puissent naitre dans la bienveillance, même les petites idées, et qu'elles puissent s'enrichir, un endroit où l'on puisse faire du design thinking. Nous voulions travailler avec des gens qui mettent leurs tripes dans ce qu'ils font. Il y a des créatifs de talent mais qui le font sans passion. Tout le monde ici est passionné autour d'un savoir-faire. Nous travaillons avec des êtres humains qui imaginent. Nous voulions être dans l'innovation, la recherche, le développement. Je ne voulais pas des processus et des PowerPoint qui tuent l'innovation. Ici, si on met dix experts qui se complètent, un street artiste, un ingénieur, etc., si on travaille dans la bienveillance, avec des objectifs précis, on sort des idées très fortes en une journée ! Dans une structure classique, on compte trois jours d'audit, des dizaines de réunions, une chaine de validation paralysante.... Des entreprises aussi diverses que Leroy-Merlin et L'Ecole Polytechnique viennent chercher l'innovation auprès de nous. Nous avons présenté aussi des résidents et trois d'entre eux ont été lauréats cette année du réseau Entreprendre.

 

 

COMMENT S'ORGANISE LA COOPÉRATION AU SEIN DE LA STRUCTURE ? DANS QUEL SENS DÉVELOPPEZ-VOUS LES NOTIONS D'ÉCHANGE, DE PARTAGE DES SAVOIR ET DES SAVOIR-FAIRE ?

 

ICI Montreuil est une coopérative. C'est une communauté qui s'entraide. Réunis, nous sommes plus connus et plus forts que chacun de notre côté. Nous aidons les résidents à développer un chiffre d'affaire. Ce qui est unique, par rapport aux espaces de co-working, c'est le service aux entreprises : le consulting, le conseil, l'événementiel, qui représentent 40 % de notre chiffre d'affaire. Et c'est la production. Nous avons en plus un showroom qui présente ce que les résidents font. Certains résidents sont dans une deuxième vie professionnelle et se sont lancé dans une activité plus en lien avec leurs aspirations, leurs passions. Ce sont souvent des gens qui ont du se former à une technique, mais qui n'ont pas été formé pour monter un business plan, un plan de com, une stratégie commerciale. A ICI Montreuil, ils peuvent trouver les formations, les outils, les compétences. Nous développons trois axes : l'innovation, l'apprentissage, la transmission par le "faire". Des cours et des formations sont proposés par les résidents pour les résidents. Mais nous souhaitons aussi être accessibles aux élèves. Cette semaine une classe de seconde vient travailler avec un des artistes résidents, et quarante élèves d'HEC viennent découvrir l’espace. À partir de Janvier, nous recevrons une fois par semaine des élèves de Polytechnique. Un dirigeant qui veut former ses collaborateurs, ses cadres, à des techniques innovantes (3D, design management, etc.) peut également le faire ici. Les 70 collaborateurs de Faber Novel se sont répartis en équipe de 10 pour réaliser des t-shirt, faire de la soudure, relier des carnets, créer des objets en 3D. Faire travailler le cerveau droit que l'on sollicite peu quand on est cadre. C'est intéressant d'envisager le teambuilding par le "faire". Au total, en dix mois d'existence, 5000 personnes sont venues. Et pour élargir plus encore le partage des savoir-faire, comme je vous disais, nous ambitionnons de devenir une université des "makers". C'est notre gros chantier pour 2014.

 

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