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GÉNÉRATIONS Y ET Z :

UNE GRILLE DE LECTURE SIMPLIFICATRICE…

 

Les exposés sur les générations Y et Z fleurissent dans les séminaires, conférences, formations, avec plus ou moins de bonheur ou de pertinence. Olivier Galland revient sur cette façon quelque peu artificielle de segmenter les générations. D'autant que, contrairement aux idées reçues, on tend davantage à l'homogénéisation qu'aux ruptures générationnelles. Avec dénominateur commun : l'individualisation des valeurs.

 

 

JUSQU’OÙ PEUT-ON ALLER DANS LE DÉCOUPAGE DES GÉNÉRATIONS POUR QUE CELA FASSE SENS, QUE CELA CORRESPONDE À UNE RÉALITÉ SOCIOLOGIQUE ?

 

Ces appellations sont effectivement plutôt des facilités journalistiques qui ne reposent pas sur des bases très sérieuses. Une génération, c'est un ensemble de personnes nées à la même date ou à une date proche et qui présentent des traits spécifiques qui les distinguent nettement des générations précédentes. Cette spécificité générationnelle peut ou non s'accompagner d'une identité générationnelle, c'est-à-dire du sentiment partagé d'une identité commune qui rassemble la génération en question. Le plus souvent cette identité générationnelle ne se cristallise qu'à l'occasion d'un "évènement fondateur" comme disent les historiens : la génération de 14, la génération de mai 68... En réalité cette cristallisation générationnelle est plutôt rare et, en dehors de ces évènements historiques qui peuvent créer des générations, le changement social est plutôt graduel et il n'est pas du tout évident de déceler des coupures franches qui sépareraient les différentes classes d'âge. C'est d'autant moins évident que, dans le domaine des valeurs, on assiste plutôt, depuis une trentaine d'années, à un mouvement d’homogénéisation qui fait qu'aujourd'hui les valeurs des Français entre 18 et 50 ans sont assez proches, en tout cas beaucoup plus proches qu'elles ne l'étaient dans les années 1980.

 

 

LES NOUVELLES GÉNÉRATIONS IMPACTENT-ELLES LES GÉNÉRATIONS PRÉCÉDENTES ? COMMENT ?

 

La socialisation est devenue un processus plus "horizontal" qu'il ne l'était. Les parents sont moins des prescripteurs de valeurs, même si bien sûr ils continuent de jouer un rôle central dans l'éducation de leurs enfants. Mais ceux-ci s'alimentent également à beaucoup d'autres sources et notamment au groupe des pairs. Les adolescents et même les pré-adolescents ont gagné une autonomie nouvelle dans la gestion de leurs relations sociales et dans l'affirmation de leurs goûts. Cette autonomie ne signifie pas que les jeunes soient en conflit avec leurs parents ; au contraire les relations sont certainement plus harmonieuses qu'elles ne l'étaient autrefois, car les parents et les jeunes adhèrent très souvent ensemble à "l'individualisation des valeurs" c'est-à-dire à l'idée que chacun dans sa vie privée, doit être libre de faire ses choix. Les parents se réservent le droit d'intervenir dans le domaine scolaire mais laissent de plus en plus une grande liberté à leurs enfants sur le reste. Les nouveaux moyens de communication et l'explosion des réseaux sociaux ont évidemment joué un grand rôle dans cette évolution en accompagnant et en multipliant l'autonomie nouvelle dont jouissent les adolescents. Cette nouvelle autonomie est peut-être (mais il y a peu de travaux sur la question) plus difficile à gérer dans des milieux sociaux plus populaires qui traditionnellement fondaient l'éducation sur un modèle plus autoritaire. Il n'est pas évident que le modèle éducatif "négociateur" des classes moyennes y ait été adopté sans encombre. D'une manière générale, les parents sont devenus plus des "accompagnateurs" que des "prescripteurs", ce qui ressent ensuite dans la vie professionnelle. La jeunesse s'allonge, les choix se réalisent par tâtonnements et durant cette phase d'expérimentations, parfois difficile et angoissante, les parents doivent être présents et apporter, autant que possible, soutien matériel et moral. Tous le ne le peuvent pas également et c'est une source de clivage entre les jeunes.

 

 

REPÈRES

 

Directeur de recherche au CNRS, au Groupe d’études des méthodes de l’analyse sociologique de l'université Paris- IV, Olivier Galland est également chercheur associé au Laboratoire de sociologie quantitative (CRESTINSEE). Spécialiste des questions touchant la jeunesse, les générations et les valeurs, il est notamment l'auteur de "Une jeunesse différente ? Les valeurs de la jeunesse depuis 30 ans", paru à La documentation Française.

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